Article original
Suicide et activité professionnelle en FranceSuicide and occupation in France

https://doi.org/10.1016/j.respe.2010.01.001Get rights and content

Abstract

Background

Suicide is a complex and multifactorial phenomenon. The number of work-related suicides is difficult to assess in France. There are nevertheless some data available to document this problem. The aim of this study is to describe suicide attempts (SA) and suicide mortality according to occupation in France.

Methods

The description of SA relies on the “Baromètre Santé 2005”, a cross-sectional representative survey conducted by the Inpes in France. The study population includes 6264 men and 7389 women in employment at the time of the survey. The prevalence of all life SA is described according to occupational category (one and two digits). Data on suicide mortality before the age of 65 comes from the Cosmop project, conducted by the Department of Occupational Health/InVS, and based on data from the “Échantillon démographique permanent”/Insee linked to medical causes of death from the French national death registry (CepiDc/Inserm). People included was born in France, employed at one of censuses (1968, 1975, 1982 and 1990, 187,938 men, 150,683 women). Relative risks for suicide mortality were estimated for the last known occupational category and economic sector.

Results

The prevalence of life course SA was higher among women than among men (6.6% vs 3.1%); an opposite situation was observed for mortality. Regarding salaried people, categories of manual workers and clerks are the most affected by SA and mortality from suicide whereas executives are the least concerned. Farmers were little affected by SA (0.4% men, 4.1% women) but experienced the highest rate of mortality by suicide (RR = 3.1 men, RR = 2.2 women). Among women, compared to non market sectors, the agricultural and equipment goods sectors exhibited an excessive risk of mortality from suicide.

Conclusion

This study points out SA and mortality from suicide inequalities by occupational categories and to a lesser extent by economic sector. These results provide a first assessment on suicide according to occupation in France.

Résumé

Position du problème

La conduite suicidaire est un processus complexe et multifactoriel. S’il est aujourd’hui difficile de comptabiliser le nombre exact de suicides en lien avec le travail, il existe néanmoins certaines données permettant d’approcher cette problématique. Cette étude a pour objectif de décrire les tentatives de suicide (TS) et la mortalité par suicide selon l’emploi en France.

Méthodes

La description des TS s’appuie sur les données du Baromètre Santé 2005 de l’Inpes, enquête transversale représentative menée en France métropolitaine. La population comprend 6264 hommes, 7389 femmes, actifs en emploi au moment de l’enquête. La prévalence des TS au cours de la vie est décrite selon la catégorie socioprofessionnelle (un et deux chiffres). La description de la mortalité par suicide avant 65 ans provient du projet Cosmop du département santé travail de l’InVS. Il s’appuie sur les données issues de l’échantillon démographique permanent de l’Insee couplées aux causes médicales de décès du Cépi-DC de l’Inserm. La population étudiée concerne les personnes nées en France métropolitaine, actives à un des recensements (1968, 1975, 1982 et 1990, soit 187 938 hommes, 150 683 femmes). Des risques relatifs de mortalité par suicide sont estimés selon la dernière catégorie socioprofessionnelle ou le dernier secteur d’activité connus.

Résultats

La prévalence de TS au cours de la vie est plus élevée chez les femmes que chez les hommes (6,6 % vs 3,1 %) ; le constat est inverse pour la mortalité. Dans la population des salariés, les catégories des ouvriers et des employés sont les plus concernées par les TS et la mortalité par suicide. Les cadres sont les moins touchés. Les agriculteurs exploitants sont les moins concernés par les TS (0,4 % des hommes, 4,1 % des femmes) mais les plus touchés par les décès par suicide (RR = 3,1 hommes ; RR = 2,2 femmes). Chez les femmes, en comparaison avec les secteurs non-marchands, le secteur agricole et celui des biens d’équipement présentent une surmortalité par suicide.

Conclusion

Cette étude montre des inégalités selon les catégories professionnelles (et les secteurs d’activité dans une moindre mesure) concernant les TS et la mortalité par suicide, en France. Ces résultats dressent un premier bilan sur le suicide selon l’emploi.

Introduction

La conduite suicidaire est un processus complexe et multifactoriel dans lequel l’activité professionnelle pourrait intervenir [1], [2], [3], [4], [5]. Si les liens entre certaines conditions de travail, principalement l’exposition aux facteurs psychosociaux, et les troubles dépressifs sont clairement établis dans la littérature épidémiologique [6], [7], il n’en est pas de même pour le suicide [4].

En France, malgré les différents systèmes statistiques sanitaires existants tels que les données de l’Assurance maladie sur les accidents du travail, les certificats de décès et les données de l’inspection du travail, il n’est pour l’instant pas possible de chiffrer précisément les suicides survenant sur le lieu de travail et encore moins les suicides en lien avec l’activité professionnelle. Dans un objectif de surveillance des risques professionnels, il existe néanmoins quelques recours possibles pour approcher cette problématique. La littérature épidémiologique fait ainsi état de plusieurs études nationales, principalement basées sur les statistiques de décès, entre autres aux États-Unis, en Angleterre, au Japon et en Nouvelle-Zélande [1], [3], [8], [9], [10], décrivant la mortalité par suicide selon la catégorie professionnelle. Ces études, qui rapportent des inégalités entre catégories professionnelles, ne sont pas toujours convergentes ; toutefois, elles s’accordent généralement sur un excès de risque des agriculteurs comparés aux autres catégories [4], [2]. L’utilisation du secteur d’activité ou, mieux encore, le recours à la fois au secteur d’activité et à la catégorie professionnelle est moins fréquent [3], [8] alors que de telles analyses pourraient enrichir le questionnement. De plus, les analyses de ces données de mortalité ne se sont généralement pas limitées aux classes d’âge des actifs. Or il peut sembler utile de se restreindre à l’étude de la mortalité jusqu’à 65 ans, dans un objectif de surveillance épidémiologique des risques professionnels. Enfin, on ne trouve pas, à notre connaissance, d’études décrivant les liens entre les tentatives de suicide (TS) et la catégorie professionnelle ou encore d’études incluant les deux types d’indicateurs (morbidité et mortalité). Il nous a paru intéressant de les confronter.

Ce travail aborde les liens entre le suicide et l’activité professionnelle en population française à travers la description de deux indicateurs, la mortalité par suicide avant 65 ans et les TS au cours de la vie chez les actifs. Ces derniers sont issus de deux études nationales distinctes, le programme Cosmop développé par l’Institut de veille sanitaire [11] et le Baromètre Santé de l’Inpes [12]. L’objectif est de décrire ces indicateurs selon la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité.

Section snippets

Tentatives de suicide au cours de la vie chez les actifs

Le Baromètre Santé est une enquête périodique menée en France tous les cinq ans par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Il étudie principalement les comportements, les attitudes et les perceptions liés aux prises de risques ainsi que l’état de santé des personnes vivant en France. Les données étudiées sont issues de la cinquième édition du Baromètre [12]. Il s’agit d’une enquête transversale nationale par sondage à deux degrés à probabilités d’inclusion

Description de la population

La population d’étude comprend 52,5 % d’hommes et 47,5 % de femmes. La distribution au sein des groupes socioprofessionnels diffère selon le sexe ; le groupe le plus représenté correspond aux ouvriers chez les hommes et aux employées chez les femmes (Tableau 1). Quel que soit le sexe, les actifs occupés sont pour environ 80 % d’entre eux en CDI.

Prévalence des tentatives de suicide vie entière chez les actifs

Les femmes déclarent deux fois plus souvent que les hommes avoir tenté de se suicider au cours de leur vie (6,9 % versus 3,1 %, p < 0,001) (Tableau 2).

Discussion

L’analyse des TS chez les actifs montre l’existence d’inégalités socioprofessionnelles, avec un gradient social pour la population salariée et une faible prévalence de TS parmi les exploitants agricoles. Des inégalités socioprofessionnelles superposables sont également observées pour les données de mortalité par suicide dans la population salariée. En revanche pour les travailleurs indépendants, la catégorie des agriculteurs exploitants est celle qui présente la mortalité par suicide la plus

Conflit d’intérêt

Les auteurs déclarent qu’il n’existe aucun conflit d’intérêt.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’Inpes pour la mise à disposition des données du Baromètre santé 2005 et le soutien apporté à cette analyse. Nous remercions également Monsieur Guy Desplanques du département de la démographie de l’Insee, le département de l’emploi et des revenus d’activité de l’Insee ainsi que Monsieur Éric Jougla du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm.

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