Article originalSuicide et activité professionnelle en FranceSuicide and occupation in France
Introduction
La conduite suicidaire est un processus complexe et multifactoriel dans lequel l’activité professionnelle pourrait intervenir [1], [2], [3], [4], [5]. Si les liens entre certaines conditions de travail, principalement l’exposition aux facteurs psychosociaux, et les troubles dépressifs sont clairement établis dans la littérature épidémiologique [6], [7], il n’en est pas de même pour le suicide [4].
En France, malgré les différents systèmes statistiques sanitaires existants tels que les données de l’Assurance maladie sur les accidents du travail, les certificats de décès et les données de l’inspection du travail, il n’est pour l’instant pas possible de chiffrer précisément les suicides survenant sur le lieu de travail et encore moins les suicides en lien avec l’activité professionnelle. Dans un objectif de surveillance des risques professionnels, il existe néanmoins quelques recours possibles pour approcher cette problématique. La littérature épidémiologique fait ainsi état de plusieurs études nationales, principalement basées sur les statistiques de décès, entre autres aux États-Unis, en Angleterre, au Japon et en Nouvelle-Zélande [1], [3], [8], [9], [10], décrivant la mortalité par suicide selon la catégorie professionnelle. Ces études, qui rapportent des inégalités entre catégories professionnelles, ne sont pas toujours convergentes ; toutefois, elles s’accordent généralement sur un excès de risque des agriculteurs comparés aux autres catégories [4], [2]. L’utilisation du secteur d’activité ou, mieux encore, le recours à la fois au secteur d’activité et à la catégorie professionnelle est moins fréquent [3], [8] alors que de telles analyses pourraient enrichir le questionnement. De plus, les analyses de ces données de mortalité ne se sont généralement pas limitées aux classes d’âge des actifs. Or il peut sembler utile de se restreindre à l’étude de la mortalité jusqu’à 65 ans, dans un objectif de surveillance épidémiologique des risques professionnels. Enfin, on ne trouve pas, à notre connaissance, d’études décrivant les liens entre les tentatives de suicide (TS) et la catégorie professionnelle ou encore d’études incluant les deux types d’indicateurs (morbidité et mortalité). Il nous a paru intéressant de les confronter.
Ce travail aborde les liens entre le suicide et l’activité professionnelle en population française à travers la description de deux indicateurs, la mortalité par suicide avant 65 ans et les TS au cours de la vie chez les actifs. Ces derniers sont issus de deux études nationales distinctes, le programme Cosmop développé par l’Institut de veille sanitaire [11] et le Baromètre Santé de l’Inpes [12]. L’objectif est de décrire ces indicateurs selon la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité.
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Tentatives de suicide au cours de la vie chez les actifs
Le Baromètre Santé est une enquête périodique menée en France tous les cinq ans par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Il étudie principalement les comportements, les attitudes et les perceptions liés aux prises de risques ainsi que l’état de santé des personnes vivant en France. Les données étudiées sont issues de la cinquième édition du Baromètre [12]. Il s’agit d’une enquête transversale nationale par sondage à deux degrés à probabilités d’inclusion
Description de la population
La population d’étude comprend 52,5 % d’hommes et 47,5 % de femmes. La distribution au sein des groupes socioprofessionnels diffère selon le sexe ; le groupe le plus représenté correspond aux ouvriers chez les hommes et aux employées chez les femmes (Tableau 1). Quel que soit le sexe, les actifs occupés sont pour environ 80 % d’entre eux en CDI.
Prévalence des tentatives de suicide vie entière chez les actifs
Les femmes déclarent deux fois plus souvent que les hommes avoir tenté de se suicider au cours de leur vie (6,9 % versus 3,1 %, p < 0,001) (Tableau 2).
Discussion
L’analyse des TS chez les actifs montre l’existence d’inégalités socioprofessionnelles, avec un gradient social pour la population salariée et une faible prévalence de TS parmi les exploitants agricoles. Des inégalités socioprofessionnelles superposables sont également observées pour les données de mortalité par suicide dans la population salariée. En revanche pour les travailleurs indépendants, la catégorie des agriculteurs exploitants est celle qui présente la mortalité par suicide la plus
Conflit d’intérêt
Les auteurs déclarent qu’il n’existe aucun conflit d’intérêt.
Remerciements
Nous tenons à remercier l’Inpes pour la mise à disposition des données du Baromètre santé 2005 et le soutien apporté à cette analyse. Nous remercions également Monsieur Guy Desplanques du département de la démographie de l’Insee, le département de l’emploi et des revenus d’activité de l’Insee ainsi que Monsieur Éric Jougla du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm.
Références (51)
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Suicide
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Psychosocial work environment and mental health – a meta analytic review
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